La semaine dernière, nous vous annoncions ici que la réforme du RAAP était suspendue. Mais que faut-il en penser ? Est-ce une bonne ou une mauvaise chose ? Faut-il agir ? Et si oui, comment ?
Ce billet vous propose de mieux cerner le contexte et les enjeux de cette réforme de la retraite des artistes-auteurs afin de vous faire votre propre opinion.Il se divise en deux temps :
- La vidéo de l’intervention d’Emmanuel de Rengervé (délégué général du Snac) sur le sujet le 7 novembre dernier à la Scam lors de la soirée portes ouvertes de l’Ataa (34 minutes).
- Un texte qui résume en quelques points ce qu’il faut savoir sur le sujet, et pourra vous servir à la fois d’aide-mémoire et de boîte à outils.
(ou lien direct vers la vidéo)
Le contexte :
Pour les traducteurs ayant le statut d’auteur, le système de retraite actuel comporte deux étages, voire trois étages :
1. la retraite de base de la Sécurité sociale (cotisations vieillesse du régime général, appelées par l’Agessa et payées de façon mensuelle ou trimestrielle)
2. la retraite complémentaire obligatoire RAAP (Retraite complémentaire des Artistes et Auteurs Professionnels ; cotisations appelées par l’Ircec).
3. la retraite Sacem pour les auteurs qui en bénéficient (RACL) et peut-être un jour une retraite Scam pour les membres de la Scam. Cette retraite a été votée lors d’un référendum en 2013, mais la Scam suspend sa mise en place du fait de la réforme en cours de la retraite complémentaire obligatoire RAAP (2e étage de retraite).
Quand nous partirons à la retraite, nous toucherons donc une pension à deux ou trois étages : pension de base Sécurité sociale + pension complémentaire RAAP + éventuellement pension Sacem ou Scam.
L’actualité :
En mai 2014, l’Ircec a annoncé une réforme du RAAP, le deuxième étage de la retraite complémentaire. Jusqu’à présent, on pouvait choisir son montant de cotisation parmi cinq classes. À compter du 1er janvier 2016, la cotisation du RAAP deviendrait proportionnelle aux revenus de droits d’auteur. Le taux de la cotisation serait de 8 %. En échange, les auteurs acquerraient davantage de points de retraite et toucheraient donc une pension plus élevée.
En novembre 2014, les pouvoirs publics ont annoncé que la concertation était possible. C’est donc le moment de se manifester au sein de nos associations et syndicats pour peser sur cette réforme. D’autres professions concernées le font, notamment les auteurs de BD.
L’enjeu :
Actuellement, un auteur à la retraite touche une misère, en moyenne seulement 125 euros par mois (1 500 euros par an) au titre du RAAP (deuxième étage de la retraite)1. Pourquoi ? Entre autres parce que les auteurs en activité choisissent, à une écrasante majorité, de verser le plus faible montant de cotisation possible (classe spéciale). Ils acquièrent donc peu de points de retraite et toucheront une faible pension.
Un seul moyen d’améliorer sa retraite : cotiser davantage
Les systèmes d’épargne privée proposés par les banques et les assurances sont moins fiables et moins performants que les systèmes de retraite par répartition, de nombreux économistes le démontrent, notamment le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz2.
La hausse des cotisations est une chance, car elle représente une meilleure couverture sociale. Mais elle peut paraître lourde à supporter. Certains demandent un abaissement du taux prévu pour la nouvelle cotisation au RAAP. Leur credo : « Quand on est pauvre, on n’a pas les moyens de se payer une protection sociale ».
D’après l’économiste Eloi Laurent, cet argument ne tient pas3 : c’est parce que les gens n’ont pas de protection sociale, parce qu’ils n’ont pas de pension décente et ne bénéficient pas de la solidarité nationale qu’ils sont pauvres. Mais c’est à chacun de nous, évidemment, de mettre au pot commun pour financer la protection sociale de tous.
Le combat :
Pour ne pas s’appauvrir aujourd’hui tout en assurant notre retraite demain, il y a une piste : faire contribuer nos donneurs d’ordre au financement de notre retraite. Ce système existe déjà pour les salariés, bien sûr, mais aussi pour les réalisateurs et scénaristes ou les traducteurs littéraires (via la Sofia) et même pour les auteurs de l’audiovisuel, par le biais de la contribution diffuseurs prélevée sur nos notes d’auteur. Cette contribution plafonne depuis des décennies autour de 1 % du montant des notes d’auteur. N’est-il pas temps de demander une plus forte contribution de nos clients à notre protection sociale ?
En résumé :
C’est le moment de se faire entendre pour peser sur la réforme en cours de notre deuxième étage de retraite.
Voulez-vous vous assurer une retraite suffisante ? Quel montant de vos revenus êtes-vous prêts à y consacrer ? Voulez-vous œuvrer pour que vos donneurs d’ordre participent au financement de votre retraite ?
Informez-vous pour vous faire votre idée sur la question et rendez-vous à la réunion de groupement du Snac le 27 novembre à 14 h (80 rue Taitbout, Paris 9e) pour faire entendre votre voix.
1 Courrier du président du RAAP à ses adhérents daté du 5 mai 2014.
2 Peter Orszag, Joseph Stiglitz, « Rethinking Pension Reform: Ten Myths About Social. Security Systems », Banque Mondiale, 1999.
3 Eloi Laurent, invité de l’émission radio « La grande table » du 27 mai 2014.
Pour aller plus loin :
- « La réforme du RAAP en 2016 », sur le site de l’Ircec.
- La Scam a publié un article limpide sur la retraite des auteurs dans sa revue Astérisque.
- Simulateur officiel pour la retraite de base (sélectionnez la rubrique Salariés, car les auteurs sont rattachés, via l’Agessa, au régime général de la Sécurité sociale, qui est aussi le régime des salariés).
- Le guide de l’Ircec sur la retraite est assez clair, avec des simulations sur 20 ans.
Caroline Barzilaï